Comprendre et surmonter l'addiction relationnelle : thérapie près de Brignoles et Saint Maximin

Le besoin de l’autre est quelque chose de naturel et d’indispensable à la vie humaine. Dans les relations il existe une dépendance saine, tout comme nous sommes dépendants de l’air que nous respirons ou encore de la nourriture que nous ingérons pour vivre. Nous avons besoin des autres, et c’est avec eux que nous pouvons développer des relations qui vont nourrir nos vies. Les relations saines sont un facteur de croissance, elles nous invitent à l’interdépendance et nous offrent l’opportunité de donner comme de recevoir.

Celles-ci ne sont pas exemptes de difficultés et il peut nous arriver de blesser l’autre comme de nous sentir blessés. Nous vivons parfois de la colère, de la culpabilité, de la peur ou de la honte, mais nous ne cessons, à travers elles, d’apprendre le sens de la responsabilité en prenant conscience de la manière dont nous impactons les autres par notre comportement et comment les autres nous impactent.

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Alors que nous pouvons-nous entendre par addiction relationnelle ? Quand passe-t-on d’un besoin sain de l’autre dans le domaine affectif et sexuel à un besoin malsain de l’autre ? Comment différencier la souffrance toujours possible dans le domaine relationnel de la souffrance de l’addiction ?

L’addiction relationnelle est comme toutes les autres addictions un phénomène progressif et évolutif. Avec elle, c’est le comportement relationnel avec l’autre et l’autre pris comme un objet qui deviennent une drogue et servent à assouvir l’addiction. La personne en vient à dire « je ne peux pas m’en empêcher ». La relation à l’autre se vit sur un mode obsessionnel et compulsif et la personne perd, chaque jour un peu plus, sa liberté et son autonomie. L’obsession mentale se fixe sur les relations, une relation particulière ou sur l’absence de relation, sur le sexe ou encore sur un sentiment ou un fantasme. La personne se sent contrainte d’agir pour tenter d’apaiser le mal-être existentiel dont elle souffre. Ce passage à l’acte est vécu comme un besoin vital et ses conséquences émotionnelles sont dévastatrices. Il n’y a jamais assez de l’autre, de sexe, de relations, de fantasmes sexuels, de rêverie romantique, de sentiment amoureux, ou à l’inverse, d’interdit relationnel.

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Tous les ressentis et émotions d’une relation « normale » que je décrivais plus haut sont, avec l’addiction, démultipliés et intensifiés. La personne tente en vain d’annihiler ce vécu émotionnel dévastateur en ayant recours au même « médicament », mais ce dernier ne produisant plus l’effet anesthésiant escompté, la souffrance ne cesse de progresser. Afin de tenter de chasser le vide existentiel qui l’habite, et aggravé par les sensations et les sentiments pénibles qui l’ont envahie lorsque la « drogue » n’a plus produit son effet, la personne n’entrevoit alors d’autre choix que de s’adonner une nouvelle fois à sa « drogue de choix ». L’addiction, c’est glisser progressivement et irrémédiablement dans un cercle vicieux, vers une forme d’enfer, de folie et de destruction.

La difficulté majeure est de reconnaître cette forme d’addiction. L’objet de la dépendance n’étant pas une substance que l’on absorbe comme de la nourriture, de l’alcool ou encore des drogues, le déni s’en retrouve souvent amplifié. Pourtant, comme avec les autres addictions, la personne perd progressivement la maîtrise de sa propre existence et quitte petit à petit le réel pour s’enfermer dans un monde où son état physique, psychique, émotionnel et spirituel ne cesse de se dégrader. L’addiction relationnelle est aussi destructrice psychologiquement que les autres addictions. De même elle entraîne dans sa suite des symptômes physiologiques comme des troubles de l’appétit, des troubles du sommeil ou encore des somatisations en tout genre. La personne transgresse progressivement ses valeurs et ses limites et s’enfonce petit à petit dans la confusion, la peur et la honte. Elle trouve de nombreuses justifications à ses comportements autodestructeurs, devient irrationnelle et s’illusionne sur son propre sort en se faisant à elle-même, voire aux personnes de son entourage, de vaines promesses d’arrêter sa conduite addictive. Inéluctablement tout se détériore, la vie amoureuse et sexuelle, la vie familiale et amicale, la vie sociale et professionnelle, et les souffrances morales qui en résultent sont si importantes qu’elles peuvent parfois conduire la personne au suicide.

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ADDICTION SEXUELLE

 « la dépendance sexuelle est (…) une obsession par la sexualité dans laquelle tout se voit défini à un niveau sexuel et où sont sexualisées toutes les perceptions et les relations ».

Dans l’addiction sexuelle, dite de forme active, les types de comportement sont variés et vont de ce qui est généralement admis par notre société, à ce qui est sanctionné par les règles sociales et la loi. Il est important d’ajouter ici que le choix du sexe comme objet de l’addiction est fortement favorisé par des abus sexuels précoces ou des climats familiaux incestuels. Dans les addictions non paraphiliques on trouve notamment les fantasmes sexuels obsessionnels, la masturbation compulsive ou encore les relations sexuelles multiples compulsives. Dans les addictions paraphiliques on trouve l’exhibitionnisme ou le voyeurisme, et jusqu’aux formes les plus violentes de sexualité comme la pédophilie, le sadomasochisme, les abus et agressions sexuels. Rappelons ici que si les paraphilies ne sont pas la marque évidente d’une dépendance, il est toutefois indispensable d’envisager que celles-ci peuvent dégénérer en une assuétude. L’anorexie sexuelle est, quant à elle, une forme répressive d’addiction. Sous cette forme, l’obsession se fixe sur la répression de la sexualité qui apparaît à la personne comme quelque chose de répugnant et de dégoûtant, et qu’il faut absolument tenir à distance et contrôler.

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L’addiction sexuelle, comme toute autre addiction, est progressive, et la personne qui en est atteinte ne trouve jamais dans la pratique de sa conduite le soulagement qu’elle recherche. Avec l’obsession et la compulsion, la sexualité devient le pôle essentiel de son existence et tout le reste de sa vie et de son quotidien se voit progressivement relégué aux oubliettes. Comme avec une drogue, la personne devient prête à tout pour « obtenir sa dose », tout comme ce juge qui a fait, il y a quelques années, les titres des informations nationales pour s’être masturbé pendant une audience, mettant ainsi un coup d’arrêt à sa carrière de magistrat. Dans ma pratique, un de mes clients qui se masturbait de manière compulsive tout en s’exhibant tentait, à travers cette conduite, de retrouver dans un premier temps un « high », sorte d’ivresse fulgurante, puis un apaisement afin de re-contacter vainement un sentiment de sécurité interne et de chasser le vide existentiel qui l’habitait. Après chacun de ses passages à l’acte, il était de plus en plus détruit intérieurement, mais rien ne pouvait l’arrêter ni l’empêcher de recommencer.

Les addictions sexuelles génèrent ainsi une honte et une culpabilité massives. Elles peuvent sembler à priori n’affecter que la personne qui en souffre, mais la plupart du temps ont un impact parfois conséquent sur son environnement et notamment sa vie de couple ou sa vie professionnelle.

ADDICTION AFFECTIVE

Dans les addictions affectives, c’est l’autre (réel ou fantasmé) et non plus le sexe qui est utilisé comme objet pour retrouver une sécurité interne.

 

Assuétude au sentiment amoureux
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Avec cette addiction, la personne est « accro » au sentiment amoureux. L’obsession se décline soit autour de rêverie romantique et de chimères, soit de situations romantiques ou passionnelles. L’important « c’est d’être amoureux » et la personne addicte ne s’intéresse qu’aux sensations générées par ce sentiment sans faire cas de l’autre qui est davantage considéré comme objet que comme sujet.

La fixation se fait sur un partenaire généralement inaccessible et sur l’idée d’être en couple. Ces personnes s’imaginent plus que tout au monde vouloir être en couple, mais sont profondément terrifiées à l’idée que cela se réalise. Il y a une peur absolue de lâcher prise et de lâcher le contrôle. C’est le règne de l’ambivalence par la recherche de sensations fortes d’un amour fantasmé et platonique, et la volonté de ne rien ressentir du mal être existentiel qui les ronge. Une de mes clientes a fantasmé, plusieurs années durant, sur une personne de son entourage dont elle était follement amoureuse sans qu’il se passe rien d’autre qu’une simple camaraderie. Elle rêvait de mariage et chaque mot et chaque geste de cette personne, interprétés comme des signes d’amour ou de désamour, venaient nourrir son obsession romantique. La souffrance augmentait un peu plus chaque jour et le manque absolu venait la percuter quand elle arrivait pendant un temps à prendre la mesure du réel puisque le camarade en question était homosexuel.

Ce type d’addiction peut conduire à une anorexie relationnelle où tout sera mis en place pour éviter une relation amoureuse réelle. Une autre de mes clientes, à chaque fois qu’elle est invitée dans une soirée, est envahie par l’obsession d’y rencontrer l’homme de sa vie. Elle fantasme ensuite compulsivement, et durant des jours, sur une personne avec laquelle elle n’a même pas échangé un mot, déroulant imperturbablement mille et un scénarios menant tous au mariage.

Dans la relation passionnelle, c’est l’intensité des émotions qui est primordiale et, là encore, l’autre en tant que tel ne compte pas. C’est ce que l’on nomme habituellement l’amour « fou ». Ce sont généralement des relations de courte durée où l’aveuglement est intense, et où l’attachement est impossible lorsque la passion diminue. Plus cette addiction progresse, plus grande est la nécessité de trouver des « doses » de sensations amoureuses de plus en plus fortes. Celles-ci s’expriment fréquemment par le biais de comportements violents qui peuvent aller de disputes et scènes de ménage où la violence est encore contenue, jusqu’aux situations des plus destructrices et dangereuses.

 

Assuétude à l’autre dans le couple
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Dans ce type d’addiction, qui s’inscrit généralement dans des relations de longue durée, la personne est totalement dépendante de l’autre et toujours en recherche d’une relation symbiotique avec son (sa) partenaire. Dans cette dépendance, c’est le caractère obsessionnel et compulsif, et la souffrance qui en résulte qui détermine une addiction. En effet, un grand nombre de personnes vivent une certaine dépendance dans leur vie de couple sans trop en souffrir. En revanche, certains sont véritablement « accros » à l’autre et en arrivent à confondre souffrance et amour. Ces personnes n’arrivent pas à exister par et pour elles-mêmes et leur croissance personnelle. Elles ne se définissent qu’à travers l’autre et pour l’autre, et perdent immédiatement le sentiment d’exister lorsque l’autre n’est pas là. Terrorisées par la solitude, elles se révèlent la plupart du temps obsessionnellement jalouses. L’angoisse de la perte les anime en permanence et elles vivent leur relation comme si leur survie en dépendait. Elles peuvent aller jusqu’à renier leur personnalité, leurs valeurs et leurs croyances pour maintenir coûte que coûte la relation.

Une de mes clientes, après plus de quinze ans d’une vie de couple où son addiction était si active, ne savait plus du tout qui elle était, ni ce qu’elle désirait pour elle-même. La sollicitant à propos de son désir, elle me répondait invariablement : « mon mari veut ceci ou cela… », « mon mari pense que… ». D’un côté, elle avait totalement abdiqué de sa personnalité et de son désir, et de l’autre, mobilisée intensément par des traits abandonniques et un besoin pathologique de son mari, elle cherchait de manière compulsive à ce que ce dernier la rassure en permanence. En vain, car rien de ce qu’il pouvait lui dire ne l’apaisait et elle réitérait sa demande pratiquement aussitôt. Pour finir elle était en permanence dévastée. Elle avait au fil du temps perdu toute autonomie et était devenue incapable de faire quoique ce soit qui ne soit pas tourné vers son mari.

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À la longue les partenaires de ces personnes n’arrivent plus à être présents pour elles dans la relation tant les demandes affectives, visant l’apaisement et la réassurance, peuvent devenir progressivement incessantes et sans limite. Ils ou elles se verront petit à petit poussés à renoncer à faire quoi que ce soit tant ils (elles) sont fatigué (e) s de devoir prouver encore et encore leur amour et leur attachement, l’étape ultime pouvant être la séparation. La personne dépendante aura alors réussi à créer ce qu’elle redoute le plus : le vide, la séparation, le manque et la solitude.

 

Assuétude aux relations multiples

Dans l’addiction aux relations multiples, les relations sont de plus ou moins courte durée et les personnes addictes « surfent » d’un couple à l’autre, d’une relation à l’autre. C’est une fuite en avant compulsive où chaque nouvelle relation leur permet d’éviter les émotions issues du deuil de la précédente. Pourtant, comme toutes ces relations ne sont finalement que des ersatz de relations, c’est-à-dire sans intimité véritable, les personnes souffrant de ce type d’addiction ont fréquemment un vif sentiment de solitude car rien du contact qui viendrait nourrir n’est assimilé. C’est une sorte de boulimie relationnelle qui a pour fonction de leur faire éviter d’une part le contact avec la solitude existentielle et, d’autre part, un trop grand rapprochement avec un partenaire. Prêtes à tout pour trouver un partenaire, elles conjuguent souvent leur addiction à une addiction sexuelle ou à une addiction au sentiment amoureux.
L’important c’est « d’être avec quelqu’un », peu importe sa personnalité et son caractère, il est considéré comme un objet servant à assouvir l’addiction que ce soit pour un soir ou que la relation puisse durer plus longtemps. Le donjuanisme en est l’illustration la plus extrême et se résume à une drague compulsive.

 

Genèse de l’addiction

Dans la recherche d’un partenaire, nous arrivons avec ce que nous sommes, ce avec quoi nous nous sommes construits, notre expérience du lien, nos modèles de lien et tout ce que nous avons introjecté au cours de notre développement. Nous savons que notre première expérience du lien se construit généralement avec notre mère puis s’élargit avec notre père, la fratrie, l’école, etc, avec toutes nos rencontres. De toutes ces expériences, nous avons assimilé ou introjecté un vécu qui est venu construire petit à petit notre personnalité, notre manière d’être au monde et notre façon d’être en lien.

L’hypothèse la plus couramment défendue et que je retiendrai ici est celle selon laquelle l’apprentissage du lien serait un facteur prédominant dans le développement d’une addiction que celle-ci soit relationnelle ou autre. Le petit enfant a sa propre élaboration de transactions psychiques et d’affects à la fois en termes de pulsions (intrapsychique) et à la fois en réponse aux stimuli de la mère (interpersonnel). De son côté, la mère (ou son substitut) porte elle-même sa propre histoire de nourrisson, ses propres affects et sa réponse aux stimuli du bébé. C’est une coconstruction du champ et, c’est dans celle-ci que l’individu aura assimilé ou introjecté une expérience fondatrice.

J’adhère à l’idée que l’addiction serait une tentative de créer ou de recréer la relation symbiotique du début de la vie, soit parce que le lien n’a pas pu s’établir correctement et créer ainsi suffisamment de satisfaction et de sécurité, soit parce que la nostalgie créée par la disparition progressive de celle-ci génère un manque primordial.

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Avec la première proposition, l’hypothèse est qu’une forme se soit fixée à cette période de la vie de l’enfant suite à un traumatisme en creux suffisamment important, créé soit par des carences quantitatives (abandon par exemple), soit par des carences qualitatives (mère dépressive par exemple), soit par une trop importante discontinuité dans l’interaction mère/enfant. De ce fait l‘intériorisation suffisante de fonctions maternelles créant la sécurité interne semble avoir échoué. La présence interne de l’objet primaire sécurisant pour supporter l’absence du dehors n’a pas suffisamment abouti. Le self de l’enfant en confluence introjective avec la mère a « ingurgité » une absence inassimilable, le laissant avec un manque auquel il s’identifie. Cette absence est un vide restant sur l’estomac qui pilotera sur le mode confluent le comportement relationnel futur et sera le creuset de l’addiction. Il n’y aura jamais de contact, pas de destruction ni d’assimilation possible et la confluence pathologique avec cet introject empêchera l’émergence d’une nouvelle figure. En effet, lorsque l’addiction occupe le premier plan et est vécue comme un besoin impérieux, il n’y a pas d’accès aux autres expériences, il n’y a pas contact, et cette confluence « c’est la routine et la stagnation »

Avec la seconde proposition, une autre piste de réflexion s’ouvre. L’enfant a pu introjecter suffisamment de sécurité mais se trouve alors sous l’emprise de la nostalgie de cette première relation symbiotique, nostalgie d’un paradis perdu. L’enfant dans ce cas a assimilé assez de nourriture affective mais tente désespérément de s’accrocher à une situation antérieure (la confluence) en essayant paradoxalement de l’éviter, car dans la confluence, là où il y a satisfaction et sécurité permanentes, il y a également le risque de leur perte. L’addiction trouverait ici son lit dans une fixation de la lutte contre la dépression générée par la sensation de dépendance à l’autre et le risque de sa perte, l’ensemble ayant pour effet de laisser l’individu dans une tentative permanente d’évitement du manque à venir. Le contrôle devient alors le meilleur moyen de dénier la dépendance et de forcer l’autre à satisfaire un besoin de dépendance. Il faut contrôler pour pouvoir dépendre. Cette vaine tentative de contrôler l’incontrôlable permet de maintenir un sentiment de toute puissance afin de conjurer la terreur de la perte. Cette forme fixée conditionnera le comportement relationnel futur sur le mode du contrôle et sur l’absence de lâcher prise (anticipation permanente de la douleur à venir).

En combinant ces deux propositions, un troisième axe apparaît. Ainsi il y a eu peu de nourriture affective et on s’accroche à ce « peu » et en même temps on l’évite (peu c’est déjà quelque chose !) par peur du manque à venir. Contradiction apparente donc entre ces deux propositions : tentative de maintien de la confluence d’un côté et refus d’une quelconque confluence par angoisse de sa future disparition. La tension entre ces deux propositions représente bien ce que vit la personne en permanence dans l’addiction relationnelle : fusionner avec l’autre pour maintenir une confluence, et éviter l’autre pour échapper au lâcher prise et au retour à la confluence parce qu’elle contient intrinsèquement le risque de sa perte.

Dans tous les cas, cette expérience fondatrice se verra inévitablement renforcée si la personne rajoute à cette première expérience de multiples expériences de rejet, d’abandon ou d’insécurité. D’autres facteurs, en ne la déterminant pas à eux seuls, peuvent accentuer l’enracinement d’une addiction relationnelle. Ce peuvent être par exemple, les modèles introjectés de nos parents (comme un couple fusionnel par exemple), le rapport au corps, la kyrielle d’introjects ou « petites phrases assassines » concernant les relations interpersonnelles à propos des hommes et des femmes, de l’amour, du couple, de la sexualité, ou encore la manière dont on montre ou non ses émotions, la manière dont on donne sa tendresse et son affection et enfin la manière dont on gère les conflits relationnels. Cette longue énumération compose un très large éventail, mais l’addiction est vorace et se nourrit insatiablement de tout.

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THÉRAPIE

L’addiction vient toujours se substituer au besoin réel. Comme les autres, l’addiction relationnelle éloigne de soi dans toutes les dimensions de l’être et agit : soit comme un anesthésiant, soit comme un amplificateur des sensations. Les excitations perceptives et proprioceptives sont distordues. L’addiction se vit en interne comme un intense besoin vital et provoque ainsi le retour de la psychologie à la physiologie, ce « ça là » qui pousse est analogue à une fonction conservatrice. C’est comme si la personne avait intégré le comportement moteur (addiction) à sa physiologie par le biais de sa biochimie, soit par la recherche d’une excitation, soit par la recherche d’apaisement d’une excitation. L’ajustement créateur du départ s’est progressivement transformé en ajustement conservateur. L’addiction est une habitude, un geste réflexe et fixe la personne à un mode d’autoconservation paradoxal puisque destructeur. Dans tous les cas la personne n’a plus accès à son besoin d’origine, le nouveau besoin (addiction) l’ayant recouvert. Tant que l’addiction est en place, il est très difficile d’avoir accès à l’inachevé qu’elle sous-tend car l’excitation primaire est recouverte par les effets « psychotropes » de l’addiction. Le mode compulsif qui la caractérise est une recherche incessante d’une forme de fusion, d’un retour à la confluence et à la fois d’un évitement de celle-ci.

La spécificité du travail thérapeutique auprès des personnes souffrant d’addiction relationnelle peut être, dans un premier temps, et comme pour les autres addictions, de travailler dans le sens d’une étape de sevrage, puis de sa mise en œuvre. La conduite addictive filtrant toutes les émergences de la fonction ça il est nécessaire d’ôter ce filtre afin que la personne puisse identifier plus clairement ses besoins, ses pulsions et ses désirs. Cette phase est d’ailleurs plus complexe qu’avec un produit que l’on peut supprimer totalement, puisque l’on ne peut se passer de relations dans l’existence. Elle s’apparente à ce que l’on peut envisager avec une problématique boulimique ou anorexique.

Dans ma pratique, j’expérimente depuis des années la proposition d’abstinence de comportements addictifs en proposant par exemple une période à « l’essai ». Même si celle-ci pour commencer est de courte durée pour pouvoir être tenue, elle apporte invariablement une prise de conscience, aussi minime soit elle. Je fais cette proposition comme une piste nouvelle à explorer et il faut, bien entendu, qu’elle fasse sens pour la personne. Pour ce faire, je prends tout le temps nécessaire afin d’aider la personne à élaborer deux volets à cette abstinence. Le premier est de définir clairement la nature de l’abstinence dont le préalable est d’avoir défini clairement la nature de l’addiction. Cela semble évident au premier abord, mais la particularité des addictions relationnelles est le chevauchement fréquent de plusieurs d’entre elles et la personne doit donc identifier précisément ce qui est addictif pour elle. Le second volet est de déterminer un « comment » être et faire qui puisse, d’une part, apporter du sens à l’existence de l’individu, et d’autre part s’enraciner suffisamment afin d’éviter de façon pérenne l’automatisme de la réponse addictive. Un des « comment » est d’après moi de maintenir les dimensions physiques et mentales occupées et concentrées dans des activités susceptibles d’apporter suffisamment de satisfaction, car le manque et le vide sont souvent intenables et la tension créée par l’addiction, jusqu’alors impossible à maîtriser, est très forte.

En devenant le théâtre de l’addiction relationnelle, la relation thérapeutique va permettre à la personne de réactualiser sa problématique et progressivement sortir de la dépendance vers une autonomisation grandissante. Dans cette nouvelle dynamique relationnelle, le thérapeute devient pour un temps l’objet pouvant ramener suffisamment de sécurité interne jusqu’à ce que cette sécurité soit intériorisée et assimilée. L’addiction n’est pas contact puisque tout contact est dynamique et créateur, et ne peut être routinier ou stéréotypé. Une fois la fonction ça dégagée des effets et des conséquences « psychotropes » de l’addiction, il s’agit de soutenir le self dans sa fonction Moi. Cette simplicité théorique exposée il n’en reste pas moins la difficulté d’y parvenir. D’une part, les personnes addictes n’arrivent pas la plupart du temps à orienter correctement l’action, ne sachant quoi faire du besoin identifié et le champ des possibilités étant généralement occulté, et d’autre part ne peuvent que très peu s’appuyer sur leur fonction Personnalité car une grande majorité des expériences antérieures a été conditionnée par l’addiction. Les appuis sont faibles et le self est faible dans l’accueil de la nouveauté. La fonction Moi a donc besoin d’être fortement soutenue pour permettre à la personne de trouver dans l’environnement tous les supports de satisfactions de la Gestalt inachevée et pour l’aider à lutter contre l’angoisse du relâchement final, jusqu’à la destruction et l’assimilation de cette Gestalt.

Pour conclure cet article, il importe de dire que sortir de l’addiction relationnelle comme de toute autre addiction est un processus difficile. Il conduit la personne à quitter le registre du « manque » et de la douleur quasi permanente afin de développer sa capacité de construire un lien et de partager de l’intimité. Il ne s’agit pas de sortir de difficultés relationnelles passagères mais d’arriver à se séparer d’une sorte de drogue qui a pris la forme d’un comportement relationnel compulsif. Le cheminement pour retrouver des relations saines, harmonieuses et nourrissantes peut prendre du temps et être jalonné de rechutes toujours douloureuses. C’est un chemin de patience tant pour la personne que pour son psychothérapeute, mais c’est aussi un chemin d’espoir et de renaissance profonde.

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